mercredi 17 décembre 2008

Bourdieu : les jugements de goût

Bourdieu : les jugements de goût
Vidéo envoyée par LunaticJB

Entretien avec Pierre Bourdieu, issu du DVD « Penseurs de notre temps »

http://blog.bafouillages.net

Suite à une remarque judicieuse de Rémy concernant mes questionnements de consigne face aux productions esthétiques obtenues (post "du résultat plastique à la réflexion pédagogique"), je mets Pierre Bourdieu sur le tapis de discussion pédagogique : finalement est-ce que le rôle du formateur ne se résume pas tout simplement à aider le décryptage des codes du capital culturel incorporé et à accompagner ce travail d'incorporation (d'où la nécessité de temps de la méthode active)?

Oui, bon je jargonne. Alors d'après ce que j'ai compris, Pierre Bourdieu soutient qu'un individu se définit dans le "champ" d'une classe sociale selon non seulement son capital économique (seul influence selon les "déterministes") mais aussi son capital culturel. Pour lui, ce capital culturel se manifeste à travers 3 états :

- l'état incorporé, c'est à dire la manière dont l'individu s'est imprégné de la culture environnante (inconsciemment selon son contexte familial, capital de départ, et consciemment selon le temps investi, notamment mis à disposition par cette même famille, dans son travail d'incorporation). Cet état sera d'autant plus efficace qu'il aura été précoce et durable et fait parti de ce que Bourdieu appelle "l'habitus".

- l'état objectivé qui correspond à la possession de biens culturels, au sens matériel (par exemple, que ce soit la propriété d'un tableau ou la possibilité d'accéder à une exposition de ce tableau) . Cet état nécessite tout de même une appropriation symbolique spécifique pour pouvoir la comprendre, il est donc le résultat de la capitalisation culturel mais aussi économique.

- l'état institutionnalisé soit la "matérialisation" du capital culturel à travers les titres scolaires qui nécessitent un investissement en temps et en efforts et permettent de convertir ce capital culturel en capital économique sur le marché du travail.

Donc pour revenir à mes moutons pédagogiques, il me semble qu'il y a là matière à se positionner pour le formateur dans plusieurs registres : sa posture ( et pas seulement dans la notion de lutte des classes, je vois d'ici venir les canaillous me taxant de gauchiste), ses évaluations et plus particulièrement l'évaluation diagnostique en lien avec cette histoire de capital culturel incorporé que je relirais bien aux notions de représentations initiales (je peux faire des liens aussi entre l'évaluation sommative et l'état institutionnalisé du capital culturel...), ses choix de progression pédagogique selon le temps nécessaire à l'incorporation, etc.

J'y vois aussi une notion qui me tiens à coeur en tant qu'ex designer industriel et aussi formatrice en créativité, le travail que j'ai à faire avec les apprenants sur la notion de goût et des choix esthétiques surtout quand on cible une clientèle différente de soi. C'est une évidence en apparence pour tous les stagiaires (en cap métiers de bouche comme en école de commerce) que je croise que d'utiliser les codes de la cible mais les faits me montrent que cet "habitus" dont Bourdieu parle, fausse la donne dès le départ. Aussi mon travail est moins de relever la part d'à priori que de mettre en évidence le fonctionnement de ce rouage pour à minima le rendre conscient dans sa complexité, même sans les gros mots, même sans frimer avec Bourdieu.

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